ARISTIDE ROUMANILLE
Ce n’est pas pour dire, mais il y a des jours où tout va mal. Et aujourd’hui était un jour comme celui-là pour M. le maire. Dès le matin, tout avait tourné de travers. D’abord le réveil qui, sans qu’on ne lui ait rien demandé, avait sonné une heure trop tôt. Puis la machine à café avait rendu l’âme alors que personne ne s’attendait à une mort si soudaine et si malvenue. Ensuite — quelle indélicatesse de sa part ! -- Olive, le chat de la maison, avait vomi de bon cœur sur le veston de son maître, une belle côte de velours couleur tabac, sa préférée.
Que pensez d’un tel début de journée ? À coup sûr qu’un grand malheur allait arriver. Ce n’était pas fini, ce ne pouvait pas être fini, se disait M. Roumanille tout en enfilant le jus de chaussette maison que lui avait mijoté sa dulcinée. De qui ou de quoi allait venir la terrible nouvelle, cette fois ? Directement, cette question en amena une autre. Où était encore passé Jean-Baptiste, son pupille de neveu ?! Mais de suite, il s’en voulut d’avoir pensé, ne serait-ce qu’une seconde, avec colère à son protégé. C’est vrai qu’il était cause de bien des soucis. Cependant, jamais il n’aurait crevé de miroirs aux cigales. Non, les inquiétudes d’Aristide n’étaient pas pour ce que son neveu aurait pu faire, mais pour ce que les autres étaient capables de lui infliger, même innocemment.
Jean-Baptiste était un bon petit. Enfin, entendons-nous, un petit de plus de vingt-cinq ans, mais un petit tout de même. Le pauvre ignorait totalement les pièges de la société dans laquelle il vivait et Aristide, à sa manière, avait participé à ce manquement. Noël et lui n’avaient-ils pas tout fait pour le protéger ? N’avaient-ils pas œuvré afin de lui offrir une existence saine et paisible, à l’abri des fâcheries de ce monde ? Mais en voulant le préserver de sa simplicité même, ne l’avaient-ils pas rendu plus fragile encore ?
Qu’en était-il aujourd’hui ? Que voyait-il sinon un enfant de vingt-cinq ans avec, en guise de béquilles, deux petits vieux qui, à eux seuls, comptabilisaient près de cent trente ans et qui, si les choses devaient tourner au plus mal, ne tarderaient pas à devenir séniles. Ah, il voyait ça d’ici ! Ils formeraient un joyeux tableau à eux trois !
Tout cela, Aristide le savait, naturellement, mais, pour être honnête, il préférait ne pas y songer, fuyant le problème dès qu’il surgissait dans son esprit. Ça pouvait attendre, se persuadait-il. Peut-être aurait-il continué de la sorte longtemps si Noël n’avait pas gravement abordé le sujet quelques jours auparavant, lui rappelant combien les gens pouvaient être cruels envers les simples d’esprit. Les simples d’esprit ! Se doutaient-ils seulement de ce qu’était capable d’éprouver une personne atteinte de déficience mentale ?! Des choses différentes, oui, mais simples, certainement pas. Alors, comment assurer l’avenir du petit ?
C’est la question qu’Aristide Roumanille se posait lorsque Julia, son épouse, vint bousculer le cours de ses réflexions. Un coup de téléphone de son secrétaire. On l’appelait de toute urgence à la mairie. « Ça, se disait M. le maire, c’est sûr, c’est la tuile qui vient de tomber du toit. »
Quand il arrivât devant le bâtiment, il vit qu’un petit attroupement s’y était formé. On l’attendait. Déjà la population s’en mêlait, ce qui n’augurait rien de bon. Laissant de côté ses problèmes personnels, il prit son air le plus grave et parcourut la courte allée qui le séparait de l’entrée, les épaules droites, le regard décidé. Dès qu’on le vit, on l’apostropha. Le brouhaha était tel qu’il dut y mettre bon ordre. Sourd aux doléances de ses administrés, il voulait avant tout connaître les faits.
Lorsqu’il pénétra dans les locaux, il constata que l’intérieur ne valait guère mieux. Son personnel était sur le pied de guerre. De plus en plus inquiet, il tenta de saisir les explications qui lui étaient fournies au petit bonheur, puis, n’en pouvant plus, il explosa. Bien vite, tout le monde regagna son poste, la tête basse. Seul resta dans le vaste bureau son premier secrétaire, les nerfs à vif lui aussi.
Dans la volée, il avait cru comprendre que le gel de cette nuit était à l’origine des maux qui accablaient la population. Il avait également entendu à maintes reprises le nom de Félix Moucadel, oléiculteur bien connu de la région. N’ayant pas écouté, exceptionnellement, les nouvelles du matin, trop occupé par les petites misères qui l’avaient assailli dès la première heure, il se surprit à paniquer. « Sainte Mère, je vous en supplie, priait-il de toute son âme, tout mais pas ça ! »
Subitement, il se sentit projeté en arrière et se revit tout jeune homme par un froid matin d’hiver, le fameux matin du 2 février 1956. Devant lui s’étendait à perte de vue des oliviers au tronc noirci par le gel, l’écorce crevassée.
À nouveau, il ressentit la peine engendrée par tant de travail à jamais perdu. Il se remémora les drames qu’avait entraînés ce désastre. Toutes ces coopératives et ces moulins qui, les uns après les autres, par manque d’olives, avaient dû fermer leur porte, la plupart pour toujours. Surtout, il se souvint de son père, petit oléiculteur anéanti par la catastrophe, financièrement et moralement. Dès ce jour-là, il ne fut plus pareil, sa vie avait été ruinée.
En une seule nuit, six millions d’arbres gelèrent. Un désastre qui plongea la Provence dans un deuil profond et durable.
Oui, vraiment, tout mais pas ça ! L’équilibre économique de Mourgue-les-Oliviers n’y survivrait pas. Ici, l’olivier était aux Mourgonnais ce qu’ailleurs la vigne était aux vignerons : une nécessité de cœur… et de portefeuille.
Debout devant le bureau de son patron, le secrétaire attendait que celui-ci lui accordât son attention. Complètement dépassé par les événements de ce matin, événements dont il avait dû vaillamment braver les retombées de ses seules et frêles épaules, il s’agitait, triturant fébrilement les boutons de son gilet. Enfin, M. le maire parut reprendre ses esprits.
- Alors, combien d’hectares sont touchés ? A-t-on déjà une idée ?
- D’hectares ? Mais d’hectares de quoi ?
- D’oliveraies, bien entendu.
- Mais il ne s’agit pas des oliveraies. À ma connaissance, elles se portent bien.
Ouf ! Aristide pouvait respirer ! Ses oliviers, ses chers oliviers étaient hors de danger. Mais alors, si le gel de cette nuit ne les avait pas atteints, sur qui donc avait-il jeté son dévolu ? Sur Félix Moucadel ? Pas possible ! Pas sur une vieille noix serrée comme lui. Aux dires de tous, même la mort s’y serait cassé les dents. Aussi irréductible qu’intraitable, l’ancêtre régnait sur ses oliveraies tel un patriarche, à ceci près qu’il n’avait ni femme ni enfants. Certainement l’un des derniers spécimens de l’ancienne Provence encore de ce monde.
Vêtu de maigres défroques, le pas lent et difficile, le père Moucadel faisait peine à voir pour l’étranger. Fourrageant quelquefois parmi les poubelles, on l’avait vu un jour en récupérer une vieille chaise bancale qu’il avait traînée derrière lui d’un bout à l’autre du village. Seul — on ne lui connaissait aucune parenté — il vivait péniblement dans une vieille bâtisse dépourvue de toute commodité.
Pourtant, ce pôvre était avant tout l’heureux propriétaire de l’un des plus anciens et des plus beaux mas de Provence et possédait des terres à n’en plus finir. Riche comme Crésus, la main grippée sur ses biens, Félix Moucadel vivait plus misérablement qu’un gueux. S’apitoyant un jour sur la désolation de son logis, un Mourgonnais lui avait gentiment conseillé de faire appel à une femme d’ouvrage. Ce à quoi Félix avait répondu par un non catégorique, évoquant douloureusement le coût horaire d’un tel service. « Prends une femme, alors. En plus, cela te fera de la compagnie. » lui avait rétorqué le Mourgonnais compatissant. « Une femme ?! s’exclama-t-il. Dame ! Et qui va la nourrir ? »
Riant en lui-même à l’évocation de Félix glaçant d’effroi le gel lui-même, M. le maire revint à son secrétaire et à son affaire.
- Eh bien, Piquet, je vous écoute. De quoi s’agit-il ?
- C’est Moucadel, M. le maire. Il dit qu’il va égorger le vieux Pellissier.
- Allons bon ! Et pourquoi ça ?
- À cause de la tombe. Un vrai carnage, m’a-t-on dit.
- À cause de la tombe ?! Piquet, soyez plus clair !
- Eh bien, voilà ! Vous ne le savez peut-être pas, mais il paraît que depuis quelques semaines, le vieux Moucadel descend régulièrement au cimetière du village pour se recueillir sur la tombe de ses ancêtres. Il semblerait qu’il prie.
- Il prie ??? C’est une galéjade ou quoi ? Vous vous moquez de moi, Piquet !
- Non, non, je vous assure, M. le maire ! Il prie ! En tout cas, c’est ce que ma femme m’a raconté.
- Ah ! Parce que votre femme se rend également au cimetière ?! Je la croyais originaire de Maillane. Je devrais peut-être aller y faire un tour, moi aussi. Dites-moi, c’est qu’on en rencontre du monde au cimetière, ces temps-ci.
- Ah, mais non ! Ce n’est pas elle qui y va. C’est Madame Fléchon, la boulangère, qui lui a expliqué. Enfin, ce n’est pas qu’elle aille souvent au cimetière, elle non plus, ni sa pauvre mère qui, comme vous le savez, est handicapée. Non, c’est …
- Abrégez, Piquet ! Abrégez !
- Euh… oui. Enfin, le fait est que ce matin, à la première heure, Félix s’est rendu sur la tombe familiale et qu’en arrivant, catastrophe ! Elle était toute cassée.
- Cela est bien dommage, mais quel lien avec Fernand Pelissier ?
- J’y arrive, M. le maire, j’y arrive. Vous connaissez les vignes de Pelissier ?
- Bien entendu.
- Et vous êtes au courant que le vieux Moucadel a toujours refusé de vendre le bout de terrain qui sépare les terres de Pelissier en deux ?
- Comment pourrait-on l’ignorer ? Chaque fois que je vois Fernand, il peste contre ce terrain de malheur qui l’oblige à emprunter la nationale avec son tracteur. Il faudrait être sourd pour ne pas l’entendre.
- Bon, mais saviez-vous que pas plus tard que l’année dernière, les deux vieux se sont empoignés à ce sujet ?
- Pardi, j’étais là ! Un beau morceau d’anthologie, je vous assure !
- Et vous rappelez-vous des termes de l’engueulade ?
- Vaguement. Mais dites donc, Piquet, si mes souvenirs sont exacts, vous étiez en vacances à l’époque ? Vous me paraissez bien informé pour un absent. À moins que votre femme…
- Ma femme n’a rien à voir là-dedans, M. le maire, je vous le jure. C’est Pastourel qui est venu me trouver ce matin et qui m’a raconté. En fait, c’est lui le premier qui est venu avertir la mairie du drame qui se préparait.
- Dominique Pastourel ? Du bar des Quatre-Saisons ?
- Lui-même. D’ailleurs, c’est en sa présence que Moucadel a déclaré qu’il allait égorger Pelissier. Une information de première main, comme vous pouvez le constater.
- Ah ça ! Je n’en doute pas… Mais pour revenir à la dispute entre nos deux compères, que s’est-il donc dit de si important ce jour-là qui m’aurait échappé ?
- Voilà. Figurez-vous qu’à la fin de la dispute, Pelissier a lancé à Moucadel qu’en tout cas, c’est sûr qu’il n’irait pas prier sur sa tombe à son enterrement.
- Et alors ?
- Et alors ? La tombe, M. le maire ! La tombe ! À cause de ces malheureuses paroles, le vieux Moucadel est persuadé que Pelissier est allé détruire la pierre tombale de sa famille la nuit dernière.
- Voyons, c’est absurde. Franchement, Piquet, vous imaginez Fernand se glisser la nuit comme un voleur dans le cimetière et accomplir un acte de vengeance de si mauvais goût ?
- Moi non, mais Moucadel, oui !
- Et dans quel état est-elle, cette tombe ?
- Déplorable. Selon Pastourel, le gel de cette nuit a carrément fendu la dalle en deux.
- Ah oui, le gel, bien sûr. Bon, je crois que le mieux est d’aller se rendre compte par soi-même.
Aristide Roumanille n’en croyait pas ses oreilles. Décidément, ses administrés lui en feraient toujours voir de toutes les couleurs. Somme toute, cette histoire n’était pas bien grave. Cependant, il savait par expérience qu’une simple chicane, si elle n’était pas traitée aussi sérieusement qu’une affaire d’État, pouvait rapidement dégénérer en pugilat, voire diviser la communauté toute entière. Même si M. le maire n’était pas homme à se laisser entraîner dans les bisbilles de ses concitoyens, il se devait de prendre — fermement mais diplomatiquement — la vachette par les cornes. C’était certain, cette histoire allait lui prendre toute la journée, mais qu’y faire ? N’était-il pas le premier notable de Mourgue-les-Oliviers ?
Toujours, il allait là où l’appelait son devoir. C’est pourquoi il se rendit en premier sur la place de la République, lieu de toutes les intrigues. Sitôt arrivé, il remarqua la présence de Félix Moucadel. Tant mieux, pensa-t-il. Ainsi, il n’aurait pas à affronter le vieux renard dans sa tanière. Cependant, il ne vit nul part Fernand Pelissier. Bizarre, tout de même.
Déjà, ça discutait ferme.
- C’est une honte, Aristide ! Une honte ! Moi qui te parle, j’ai été outragé ! Pire, « on » a offensé la dernière demeure de mes ancêtres !
- Oooh ! Mon bon vieux Félix, calme-toi. Si tu continues comme ça, tu vas attraper un coup de sang.
- Un coup de sang ? Mais je l’ai déjà, le coup de sang ! Le nom des Moucadel a été bafoué et toi, jobastre, tu me parles de coup de sang ? Mais c’est la jaunisse qui me guette. Tu entends ? La jaunisse !
- Allons, Félix. Tu ne vas pas te mettre dans cet état pour une petite pierre.
- Alors là !… Alors là !… Une petite pierre ?! Ecoutez-moi bien, môsieur le maire. Car maintenant, c’est au maire Aristide Roumanille que je m’adresse. Moi, Félix Moucadel, habitant de Mourgue-les-Oliviers depuis avant ma naissance, fils et petit-fils de Mourgonnais, et les arrières avec, je demande que justice soit faite.
- Mais justice de quoi, Bonne Mère ? Tu veux que je te mette le gel au pilori ?
- Qué gel ? J’ai parlé de gel, moi ? Y a un coupable. Qu’on me l’amène et qu’on le pende !
- Ecoute, Félix. Tu es un de mes plus anciens administrés et je t’aime bien. Mais aussi sûrement que je suis ébéniste, je te dis que Fernand n’y est pour rien. Est-ce de sa faute à lui s’il a gelé à pierre fendre cette nuit ?
- Ah ça ! Parce que môsieur fait de l’humour, maintenant. Viens avec moi, Aristide. Viens voir si je te mens.
Un quart d’heure plus tard et une foule de considérations en prime, ils arrivèrent au cimetière, bruyamment escortés par une population obligeante.
- Alors, c’est des couillonnades, ça ? Un coup de gel ? Té, mon œil ! Dis plutôt un coup de hache. Regarde-moi ce massacre. Maintenant, c’est plein de courants d’air là-dessous. C’est sûr, ils vont nous attraper un chaud et froid, les pauvres. Et ma mère qui a une santé si fragile !
- Mais Félix, ils sont morts !
- Ça, c’est vite dit. D’abord, qu’est-ce que tu en sais, toi, de la mort, imbécile ? Tu l’as vue, toi, la mort ? Tu sais à quoi elle ressemble ?
- Bien sûr que non que je ne sais pas à quoi elle ressemble. Sinon, je serais pas là. Le jour où je ressusciterai, je te le dirai. Mais ce que je sais, c’est qu’un trépassé, ça n’attrape pas le chaud et froid.
- Ah ! C’est que monsieur est savant. Monsieur sait tout. Eh bien, moi, je ne veux pas coucher dessous une pierre fracassée. Je risque la congestion.
- Oh, Félix ! Tu me pompes l’air à la fin ! Et quand je dis pomper, je suis bien brave. En cet instant précis, tu me le pollues, l’air.
- Je te pollues l’air, moi ? Tu as bien dit : « Félix, tu me pollues l’air ? »
- Vouai, je l’ai dit.
- Ah ça ! Comme tu me parles, Aristide ! Eh bien, toi, tu me le voles, l’air. Et je vais même te dire plus, tu nous le voles à tous, l’air.
- Quoi ?!
- Précisément. Avec toutes tes taxes et tout ton tralala communal, on est estranglé jusqu’à la carotide. C’est bien simple, on peut plus respirer.
- C’est que je fais mon devoir, moi, monsieur. Et celui à qui ça plaît pas, il peut toujours aller se faire étouffer ailleurs. Ici, on est pour la modernité. Et la modernité, ça demande des sacrifices. Par ailleurs, à ce que j’en sais, tout le monde y trouve son compte, non ? Si tu prenais la peine de lire les statistiques de temps en temps, tu constaterais que le nombre de touristes qui s’arrêtent chez nous est en constante augmentation. Et les statistiques, ça ne ment pas.
- D’abord, moi, les touristes, je les emmerde ! Tout ce qu’ils m’apportent à moi, tes touristes, c’est qu’ils massacrent mes oliviers. Ensuite, tout ça, ce sont des fariboles de fonctionnaire. Et moi, les fonctionnaires, tu sais où je me les mets !
Alors Aristide, d’un ton menaçant :
- Ah oui ? Et dis-moi, Félix, tu te les mets où les représentants officiels de la France municipale et méridionale ? Dis-moi, que j’aie une bonne raison pour flanquer une rouste à une vieille chèvre comme toi.
- Alors là, si moi, je suis une vieille chèvre, toi, tu n’es qu’une coucourde à la panse enrubannée !
- Oh, si je ne me retenais pas…
- Eh bien, quoi ? Vas-y, frappe un pauvre vieillard au bord de la tombe… et de la congestion ! Ne te gêne pas, surtout, j’ai déjà un pied dedans.
- Mmmm !
- Alors, jeune couillon, tu te décides ou c’est pour la prochaine neige ?
- Couillon ? Tu oses me traiter de couillon en public, moi, le maire ?
- Parfaitement ! Maire ou pas maire, en tant que ton aîné, j’ai tous les droits. Et en tant que mourant, j’en ai encore plus.
- Dis donc, tu as la langue bien agile pour un mourant, hé ?
- J’ai la langue que je veux. Et si moi, je te dis que je meurs, c’est que je meurs. Que ça te plaise ou non !
Que pensez d’un tel début de journée ? À coup sûr qu’un grand malheur allait arriver. Ce n’était pas fini, ce ne pouvait pas être fini, se disait M. Roumanille tout en enfilant le jus de chaussette maison que lui avait mijoté sa dulcinée. De qui ou de quoi allait venir la terrible nouvelle, cette fois ? Directement, cette question en amena une autre. Où était encore passé Jean-Baptiste, son pupille de neveu ?! Mais de suite, il s’en voulut d’avoir pensé, ne serait-ce qu’une seconde, avec colère à son protégé. C’est vrai qu’il était cause de bien des soucis. Cependant, jamais il n’aurait crevé de miroirs aux cigales. Non, les inquiétudes d’Aristide n’étaient pas pour ce que son neveu aurait pu faire, mais pour ce que les autres étaient capables de lui infliger, même innocemment.
Jean-Baptiste était un bon petit. Enfin, entendons-nous, un petit de plus de vingt-cinq ans, mais un petit tout de même. Le pauvre ignorait totalement les pièges de la société dans laquelle il vivait et Aristide, à sa manière, avait participé à ce manquement. Noël et lui n’avaient-ils pas tout fait pour le protéger ? N’avaient-ils pas œuvré afin de lui offrir une existence saine et paisible, à l’abri des fâcheries de ce monde ? Mais en voulant le préserver de sa simplicité même, ne l’avaient-ils pas rendu plus fragile encore ?
Qu’en était-il aujourd’hui ? Que voyait-il sinon un enfant de vingt-cinq ans avec, en guise de béquilles, deux petits vieux qui, à eux seuls, comptabilisaient près de cent trente ans et qui, si les choses devaient tourner au plus mal, ne tarderaient pas à devenir séniles. Ah, il voyait ça d’ici ! Ils formeraient un joyeux tableau à eux trois !
Tout cela, Aristide le savait, naturellement, mais, pour être honnête, il préférait ne pas y songer, fuyant le problème dès qu’il surgissait dans son esprit. Ça pouvait attendre, se persuadait-il. Peut-être aurait-il continué de la sorte longtemps si Noël n’avait pas gravement abordé le sujet quelques jours auparavant, lui rappelant combien les gens pouvaient être cruels envers les simples d’esprit. Les simples d’esprit ! Se doutaient-ils seulement de ce qu’était capable d’éprouver une personne atteinte de déficience mentale ?! Des choses différentes, oui, mais simples, certainement pas. Alors, comment assurer l’avenir du petit ?
C’est la question qu’Aristide Roumanille se posait lorsque Julia, son épouse, vint bousculer le cours de ses réflexions. Un coup de téléphone de son secrétaire. On l’appelait de toute urgence à la mairie. « Ça, se disait M. le maire, c’est sûr, c’est la tuile qui vient de tomber du toit. »
Quand il arrivât devant le bâtiment, il vit qu’un petit attroupement s’y était formé. On l’attendait. Déjà la population s’en mêlait, ce qui n’augurait rien de bon. Laissant de côté ses problèmes personnels, il prit son air le plus grave et parcourut la courte allée qui le séparait de l’entrée, les épaules droites, le regard décidé. Dès qu’on le vit, on l’apostropha. Le brouhaha était tel qu’il dut y mettre bon ordre. Sourd aux doléances de ses administrés, il voulait avant tout connaître les faits.
Lorsqu’il pénétra dans les locaux, il constata que l’intérieur ne valait guère mieux. Son personnel était sur le pied de guerre. De plus en plus inquiet, il tenta de saisir les explications qui lui étaient fournies au petit bonheur, puis, n’en pouvant plus, il explosa. Bien vite, tout le monde regagna son poste, la tête basse. Seul resta dans le vaste bureau son premier secrétaire, les nerfs à vif lui aussi.
Dans la volée, il avait cru comprendre que le gel de cette nuit était à l’origine des maux qui accablaient la population. Il avait également entendu à maintes reprises le nom de Félix Moucadel, oléiculteur bien connu de la région. N’ayant pas écouté, exceptionnellement, les nouvelles du matin, trop occupé par les petites misères qui l’avaient assailli dès la première heure, il se surprit à paniquer. « Sainte Mère, je vous en supplie, priait-il de toute son âme, tout mais pas ça ! »
Subitement, il se sentit projeté en arrière et se revit tout jeune homme par un froid matin d’hiver, le fameux matin du 2 février 1956. Devant lui s’étendait à perte de vue des oliviers au tronc noirci par le gel, l’écorce crevassée.
À nouveau, il ressentit la peine engendrée par tant de travail à jamais perdu. Il se remémora les drames qu’avait entraînés ce désastre. Toutes ces coopératives et ces moulins qui, les uns après les autres, par manque d’olives, avaient dû fermer leur porte, la plupart pour toujours. Surtout, il se souvint de son père, petit oléiculteur anéanti par la catastrophe, financièrement et moralement. Dès ce jour-là, il ne fut plus pareil, sa vie avait été ruinée.
En une seule nuit, six millions d’arbres gelèrent. Un désastre qui plongea la Provence dans un deuil profond et durable.
Oui, vraiment, tout mais pas ça ! L’équilibre économique de Mourgue-les-Oliviers n’y survivrait pas. Ici, l’olivier était aux Mourgonnais ce qu’ailleurs la vigne était aux vignerons : une nécessité de cœur… et de portefeuille.
Debout devant le bureau de son patron, le secrétaire attendait que celui-ci lui accordât son attention. Complètement dépassé par les événements de ce matin, événements dont il avait dû vaillamment braver les retombées de ses seules et frêles épaules, il s’agitait, triturant fébrilement les boutons de son gilet. Enfin, M. le maire parut reprendre ses esprits.
- Alors, combien d’hectares sont touchés ? A-t-on déjà une idée ?
- D’hectares ? Mais d’hectares de quoi ?
- D’oliveraies, bien entendu.
- Mais il ne s’agit pas des oliveraies. À ma connaissance, elles se portent bien.
Ouf ! Aristide pouvait respirer ! Ses oliviers, ses chers oliviers étaient hors de danger. Mais alors, si le gel de cette nuit ne les avait pas atteints, sur qui donc avait-il jeté son dévolu ? Sur Félix Moucadel ? Pas possible ! Pas sur une vieille noix serrée comme lui. Aux dires de tous, même la mort s’y serait cassé les dents. Aussi irréductible qu’intraitable, l’ancêtre régnait sur ses oliveraies tel un patriarche, à ceci près qu’il n’avait ni femme ni enfants. Certainement l’un des derniers spécimens de l’ancienne Provence encore de ce monde.
Vêtu de maigres défroques, le pas lent et difficile, le père Moucadel faisait peine à voir pour l’étranger. Fourrageant quelquefois parmi les poubelles, on l’avait vu un jour en récupérer une vieille chaise bancale qu’il avait traînée derrière lui d’un bout à l’autre du village. Seul — on ne lui connaissait aucune parenté — il vivait péniblement dans une vieille bâtisse dépourvue de toute commodité.
Pourtant, ce pôvre était avant tout l’heureux propriétaire de l’un des plus anciens et des plus beaux mas de Provence et possédait des terres à n’en plus finir. Riche comme Crésus, la main grippée sur ses biens, Félix Moucadel vivait plus misérablement qu’un gueux. S’apitoyant un jour sur la désolation de son logis, un Mourgonnais lui avait gentiment conseillé de faire appel à une femme d’ouvrage. Ce à quoi Félix avait répondu par un non catégorique, évoquant douloureusement le coût horaire d’un tel service. « Prends une femme, alors. En plus, cela te fera de la compagnie. » lui avait rétorqué le Mourgonnais compatissant. « Une femme ?! s’exclama-t-il. Dame ! Et qui va la nourrir ? »
Riant en lui-même à l’évocation de Félix glaçant d’effroi le gel lui-même, M. le maire revint à son secrétaire et à son affaire.
- Eh bien, Piquet, je vous écoute. De quoi s’agit-il ?
- C’est Moucadel, M. le maire. Il dit qu’il va égorger le vieux Pellissier.
- Allons bon ! Et pourquoi ça ?
- À cause de la tombe. Un vrai carnage, m’a-t-on dit.
- À cause de la tombe ?! Piquet, soyez plus clair !
- Eh bien, voilà ! Vous ne le savez peut-être pas, mais il paraît que depuis quelques semaines, le vieux Moucadel descend régulièrement au cimetière du village pour se recueillir sur la tombe de ses ancêtres. Il semblerait qu’il prie.
- Il prie ??? C’est une galéjade ou quoi ? Vous vous moquez de moi, Piquet !
- Non, non, je vous assure, M. le maire ! Il prie ! En tout cas, c’est ce que ma femme m’a raconté.
- Ah ! Parce que votre femme se rend également au cimetière ?! Je la croyais originaire de Maillane. Je devrais peut-être aller y faire un tour, moi aussi. Dites-moi, c’est qu’on en rencontre du monde au cimetière, ces temps-ci.
- Ah, mais non ! Ce n’est pas elle qui y va. C’est Madame Fléchon, la boulangère, qui lui a expliqué. Enfin, ce n’est pas qu’elle aille souvent au cimetière, elle non plus, ni sa pauvre mère qui, comme vous le savez, est handicapée. Non, c’est …
- Abrégez, Piquet ! Abrégez !
- Euh… oui. Enfin, le fait est que ce matin, à la première heure, Félix s’est rendu sur la tombe familiale et qu’en arrivant, catastrophe ! Elle était toute cassée.
- Cela est bien dommage, mais quel lien avec Fernand Pelissier ?
- J’y arrive, M. le maire, j’y arrive. Vous connaissez les vignes de Pelissier ?
- Bien entendu.
- Et vous êtes au courant que le vieux Moucadel a toujours refusé de vendre le bout de terrain qui sépare les terres de Pelissier en deux ?
- Comment pourrait-on l’ignorer ? Chaque fois que je vois Fernand, il peste contre ce terrain de malheur qui l’oblige à emprunter la nationale avec son tracteur. Il faudrait être sourd pour ne pas l’entendre.
- Bon, mais saviez-vous que pas plus tard que l’année dernière, les deux vieux se sont empoignés à ce sujet ?
- Pardi, j’étais là ! Un beau morceau d’anthologie, je vous assure !
- Et vous rappelez-vous des termes de l’engueulade ?
- Vaguement. Mais dites donc, Piquet, si mes souvenirs sont exacts, vous étiez en vacances à l’époque ? Vous me paraissez bien informé pour un absent. À moins que votre femme…
- Ma femme n’a rien à voir là-dedans, M. le maire, je vous le jure. C’est Pastourel qui est venu me trouver ce matin et qui m’a raconté. En fait, c’est lui le premier qui est venu avertir la mairie du drame qui se préparait.
- Dominique Pastourel ? Du bar des Quatre-Saisons ?
- Lui-même. D’ailleurs, c’est en sa présence que Moucadel a déclaré qu’il allait égorger Pelissier. Une information de première main, comme vous pouvez le constater.
- Ah ça ! Je n’en doute pas… Mais pour revenir à la dispute entre nos deux compères, que s’est-il donc dit de si important ce jour-là qui m’aurait échappé ?
- Voilà. Figurez-vous qu’à la fin de la dispute, Pelissier a lancé à Moucadel qu’en tout cas, c’est sûr qu’il n’irait pas prier sur sa tombe à son enterrement.
- Et alors ?
- Et alors ? La tombe, M. le maire ! La tombe ! À cause de ces malheureuses paroles, le vieux Moucadel est persuadé que Pelissier est allé détruire la pierre tombale de sa famille la nuit dernière.
- Voyons, c’est absurde. Franchement, Piquet, vous imaginez Fernand se glisser la nuit comme un voleur dans le cimetière et accomplir un acte de vengeance de si mauvais goût ?
- Moi non, mais Moucadel, oui !
- Et dans quel état est-elle, cette tombe ?
- Déplorable. Selon Pastourel, le gel de cette nuit a carrément fendu la dalle en deux.
- Ah oui, le gel, bien sûr. Bon, je crois que le mieux est d’aller se rendre compte par soi-même.
Aristide Roumanille n’en croyait pas ses oreilles. Décidément, ses administrés lui en feraient toujours voir de toutes les couleurs. Somme toute, cette histoire n’était pas bien grave. Cependant, il savait par expérience qu’une simple chicane, si elle n’était pas traitée aussi sérieusement qu’une affaire d’État, pouvait rapidement dégénérer en pugilat, voire diviser la communauté toute entière. Même si M. le maire n’était pas homme à se laisser entraîner dans les bisbilles de ses concitoyens, il se devait de prendre — fermement mais diplomatiquement — la vachette par les cornes. C’était certain, cette histoire allait lui prendre toute la journée, mais qu’y faire ? N’était-il pas le premier notable de Mourgue-les-Oliviers ?
Toujours, il allait là où l’appelait son devoir. C’est pourquoi il se rendit en premier sur la place de la République, lieu de toutes les intrigues. Sitôt arrivé, il remarqua la présence de Félix Moucadel. Tant mieux, pensa-t-il. Ainsi, il n’aurait pas à affronter le vieux renard dans sa tanière. Cependant, il ne vit nul part Fernand Pelissier. Bizarre, tout de même.
Déjà, ça discutait ferme.
- C’est une honte, Aristide ! Une honte ! Moi qui te parle, j’ai été outragé ! Pire, « on » a offensé la dernière demeure de mes ancêtres !
- Oooh ! Mon bon vieux Félix, calme-toi. Si tu continues comme ça, tu vas attraper un coup de sang.
- Un coup de sang ? Mais je l’ai déjà, le coup de sang ! Le nom des Moucadel a été bafoué et toi, jobastre, tu me parles de coup de sang ? Mais c’est la jaunisse qui me guette. Tu entends ? La jaunisse !
- Allons, Félix. Tu ne vas pas te mettre dans cet état pour une petite pierre.
- Alors là !… Alors là !… Une petite pierre ?! Ecoutez-moi bien, môsieur le maire. Car maintenant, c’est au maire Aristide Roumanille que je m’adresse. Moi, Félix Moucadel, habitant de Mourgue-les-Oliviers depuis avant ma naissance, fils et petit-fils de Mourgonnais, et les arrières avec, je demande que justice soit faite.
- Mais justice de quoi, Bonne Mère ? Tu veux que je te mette le gel au pilori ?
- Qué gel ? J’ai parlé de gel, moi ? Y a un coupable. Qu’on me l’amène et qu’on le pende !
- Ecoute, Félix. Tu es un de mes plus anciens administrés et je t’aime bien. Mais aussi sûrement que je suis ébéniste, je te dis que Fernand n’y est pour rien. Est-ce de sa faute à lui s’il a gelé à pierre fendre cette nuit ?
- Ah ça ! Parce que môsieur fait de l’humour, maintenant. Viens avec moi, Aristide. Viens voir si je te mens.
Un quart d’heure plus tard et une foule de considérations en prime, ils arrivèrent au cimetière, bruyamment escortés par une population obligeante.
- Alors, c’est des couillonnades, ça ? Un coup de gel ? Té, mon œil ! Dis plutôt un coup de hache. Regarde-moi ce massacre. Maintenant, c’est plein de courants d’air là-dessous. C’est sûr, ils vont nous attraper un chaud et froid, les pauvres. Et ma mère qui a une santé si fragile !
- Mais Félix, ils sont morts !
- Ça, c’est vite dit. D’abord, qu’est-ce que tu en sais, toi, de la mort, imbécile ? Tu l’as vue, toi, la mort ? Tu sais à quoi elle ressemble ?
- Bien sûr que non que je ne sais pas à quoi elle ressemble. Sinon, je serais pas là. Le jour où je ressusciterai, je te le dirai. Mais ce que je sais, c’est qu’un trépassé, ça n’attrape pas le chaud et froid.
- Ah ! C’est que monsieur est savant. Monsieur sait tout. Eh bien, moi, je ne veux pas coucher dessous une pierre fracassée. Je risque la congestion.
- Oh, Félix ! Tu me pompes l’air à la fin ! Et quand je dis pomper, je suis bien brave. En cet instant précis, tu me le pollues, l’air.
- Je te pollues l’air, moi ? Tu as bien dit : « Félix, tu me pollues l’air ? »
- Vouai, je l’ai dit.
- Ah ça ! Comme tu me parles, Aristide ! Eh bien, toi, tu me le voles, l’air. Et je vais même te dire plus, tu nous le voles à tous, l’air.
- Quoi ?!
- Précisément. Avec toutes tes taxes et tout ton tralala communal, on est estranglé jusqu’à la carotide. C’est bien simple, on peut plus respirer.
- C’est que je fais mon devoir, moi, monsieur. Et celui à qui ça plaît pas, il peut toujours aller se faire étouffer ailleurs. Ici, on est pour la modernité. Et la modernité, ça demande des sacrifices. Par ailleurs, à ce que j’en sais, tout le monde y trouve son compte, non ? Si tu prenais la peine de lire les statistiques de temps en temps, tu constaterais que le nombre de touristes qui s’arrêtent chez nous est en constante augmentation. Et les statistiques, ça ne ment pas.
- D’abord, moi, les touristes, je les emmerde ! Tout ce qu’ils m’apportent à moi, tes touristes, c’est qu’ils massacrent mes oliviers. Ensuite, tout ça, ce sont des fariboles de fonctionnaire. Et moi, les fonctionnaires, tu sais où je me les mets !
Alors Aristide, d’un ton menaçant :
- Ah oui ? Et dis-moi, Félix, tu te les mets où les représentants officiels de la France municipale et méridionale ? Dis-moi, que j’aie une bonne raison pour flanquer une rouste à une vieille chèvre comme toi.
- Alors là, si moi, je suis une vieille chèvre, toi, tu n’es qu’une coucourde à la panse enrubannée !
- Oh, si je ne me retenais pas…
- Eh bien, quoi ? Vas-y, frappe un pauvre vieillard au bord de la tombe… et de la congestion ! Ne te gêne pas, surtout, j’ai déjà un pied dedans.
- Mmmm !
- Alors, jeune couillon, tu te décides ou c’est pour la prochaine neige ?
- Couillon ? Tu oses me traiter de couillon en public, moi, le maire ?
- Parfaitement ! Maire ou pas maire, en tant que ton aîné, j’ai tous les droits. Et en tant que mourant, j’en ai encore plus.
- Dis donc, tu as la langue bien agile pour un mourant, hé ?
- J’ai la langue que je veux. Et si moi, je te dis que je meurs, c’est que je meurs. Que ça te plaise ou non !